Brève histoire de l’art-thérapie
Dès l’antiquité, de nombreux théoriciens s’interrogent sur l’importance et l’utilité de l’art. Pythagore, féru de musique, fut le 1er à s’interroger sur la valeur éthique de la musique. La musique pourrait soigner certains traits de caractère et la poésie élèverait l’esprit. Socrate, Platon et Aristote suivent le cheminement pythagoricien et se questionnent eux-aussi sur le pouvoir de l’art. Aristote introduit le terme de catharsis en art comme une libération des émotions et des sentiments.
Ce n’est qu’à partir du XVIIIème siècle que l’art est observé, analysé et considéré comme une précieuse source d’informations quant à l’état de santé de celui qui le produit. L’activité artistique est petit à petit intégrée dans le milieu psychiatrique et on lui trouve, en premier lieu, un intérêt productif et occupationnel, une sorte de travail. Les activités artistiques telles que le dessin ou la peinture sont introduites dans les institutions psychiatriques pour leur rôle occupationnel et distrayant de la souffrance.
Au début du XIXème siècle, grâce à la prédominance de l’art romantique, le lien entre état intérieur et production artistique apparaît alors. L’expression de fantasmes, de rêves et de sentiments intimes dans l’art favorise davantage de spontanéité et de créativité de la part des artistes. La phénoménologie et la physiognomonie (étude des liens entre les traits de caractère et l’aspect physique de la personne) marquent la fin du grand enfermement et l’ouverture de la prise en charge thérapeutique du malade mental. Jean-Martin Charcot, psychiatre et neurologue, observe de nombreux dessins de malades de la Salpetrière sur lesquels il s’appuie pour mieux comprendre le fonctionnement de certaines maladies mentales.
Au début du XXème siècle, en étudiant la psychopathologie des processus créateurs, Hanz Prinzhorn ouvre la voie à une art thérapie non plus basée sur l’analyse des productions terminées mais sur l’analyse de la personne en train de produire. Il tente d’étudier les mécanismes psychiques en jeu dans l’acte créateur et parle d’hypothèse d’une pulsion d’expression, la Gestaltung. Cette théorie aborde l’acte de créativité comme répondant à un besoin d’expression, de catharsis et d’un besoin d’amusement. L’apparition de la psychanalyse par Freud et des psychothérapies qui ont suivi intègrent ainsi l’activité artistique comme médiateur thérapeutique. Enfin, c’est en 1959, que Robert Volmat fonde la Société internationale de psychopathologie de l’expression et de l’art-thérapie. L’art-thérapie est née.
« On pourrait définir l’art-thérapie comme une psychothérapie à support artistique. L’art serait un moyen parmi d’autres, une technique au même titre que le médicament. En fait, l’art-thérapie est bien davantage : elle interroge l’art comme elle interroge la thérapie, elle explore leurs points communs comme leur enrichissement réciproque dans une complémentarité étonnante. »
KLEIN J-P, L’Art-Thérapie, Que Sais-je, 1997, p.3
Jean-Pierre Klein, psychiatre et directeur-fondateur de l’Institut national d’expression de création, d’art et transformation à Paris, inscrit l’art-thérapie dans une approche psychothérapeutique issue des sciences humaines. Aujourd’hui, l’art-thérapie s’inspire des connaissances scientifiques acquises dans le domaine de la psychologie, des sciences de l’éducation, de la sociologie et de l’histoire de l’art. L’art-thérapie donne une place importante à la créativité ainsi qu’à l’expression artistique et verbale.
En tant que psychothérapie, elle se centre sur le processus de création et les processus psychiques conscients, préconscients et inconscients qui s’y rattachent. L’objectif n’est donc pas de créer une œuvre artistique mais de permettre un travail thérapeutique à partir d’un médium artistique et du jeu d’associations d’idées, des émotions, des affects, des ressentis amenés par ce médium. Le processus créatif et l’œuvre produite sont davantage considérés pour leur portée thérapeutique que pour leur valeur esthétique. Quel que soit l’activité artistique, des arts plastiques à la danse en passant par la musique et l’écriture, la globalité de l’être humain est systématiquement impliquée du corps à l’esprit.

